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Liberté ...

   
 

 

 

 


 
Le Québécois
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Du conseil international en gestion stratégique et en développement d'économies émergentes...
Au regard sur la régression du respect de la dignité humaine, des libertés et du partage.
Une espérance solidaire avec ceux qui ne l'acceptent pas.
A contre-courant...

 

 

 

Modération


Tous commentaires et propos contribuant à enrichir échanges et débats, même contradictoires, sont amicalement reçus. Ne sont pas acceptées les pollutions organisées, en particulier :

a)  Hors sujets et trolls

b)  Attentatoires à la Dignité Humaine :

.  Injures

.  Propos racistes

.  Incitations à la haine religieuse

 

Avertissement

Liberté d’expression et abus de procédure

 

Devant la multiplication actuelle des atteintes à la liberté d’expression, sous forme d’intimidations et de menaces à l’égard de blogs et de sites, de la part d’officines spécialisées dans la désinformation et la propagande relatives aux évènements passés, présents et à venir au Moyen-Orient, tout particulièrement, il est rappelé que la Loi du 21 juin 2004 (LCEN),

modifiée par la Loi n°2009-1311 du 28 octobre – art.12, s’appliquant à des « abus » éventuels,

spécifie

dans son alinéa 4 :

« Le fait, pour toute personne, de présenter aux personnes mentionnées au 2

un contenu ou une activité

comme étant illicite

dans le but d'en obtenir le retrait ou d'en faire cesser la diffusion,

alors qu'elle sait cette information inexacte,

est puni

d'une peine d'un an d'emprisonnement

et

de 15 000 Euros d'amende»

 

 

17 mars 2014 1 17 /03 /mars /2014 19:08

 

 

« Nous sommes humains dans la mesure où ce qui se passe aux antipodes nous concerne. »
Augustin Berque  (1)

 

 

 

 

 

Impressionnant !

 

Ce sont 82,3 % des inscrits qui ont voté, dont 99,4 % se sont prononcés pour le rattachement à la mère-patrie !...

 

Non, il ne s’agit pas du référendum en Crimée sur son rattachement à la Russie.

 

Mais, de celui organisé par la France le 8 février 1976 pour officialiser la sécession de Mayotte, arrachée à l'Union des Comores qui en réclame toujours l’appartenance. A plus de 7000 km des frontières de la France, dans la partie nord du canal du Mozambique, bras de mer entre la grande île de Madagascar et l’Etat du Mozambique sur le continent Africain. Aux enjeux énergétiques et stratégiques majeurs… (2)

 

 

Nos ancêtres les Gaulois…

Crimée : Obama Souviens-toi de Panama !...

Pour enfoncer le clou la France a organisé un autre référendum, le 29 mars 2009. Transformant cette lointaine possession coloniale, acquise le 25 avril 1841, en "département d’outre-mer et région d’outre-mer" avec un vote favorable de 95,6 %. Statut officialisé, dans nos institutions, le 31 mars 2011.

.

Ce méticuleux travail cosmétique aboutissant au statut européen de "région ultrapériphérique", permettant ainsi l’intégration de Mayotte dans l’Union Européenne, le :

.
1er janvier 2014 !...

Tout chaud ! Sortant à peine du four de nos "cuistots-néocoloniaux"...

 

Notre longue histoire coloniale a forgé, par cooptations successives, une nomenklatura habituée à tailler, organiser, délimiter, territoires et terrains de chasse à sa convenance. Pour son rapide enrichissement personnel et familial, évidemment. Et, accessoirement, celui de ses seconds couteaux et domesticité.

 

Se répartissant ou se disputant, depuis des siècles, avec d’autres complices-prédateurs ces prises de piratage, parmi les plus actifs : Espagne, Portugal, Royaume-Uni, Pays-Bas. Ultérieurement, Etats-Unis et Japon (3)…

 

Dans l’histoire contemporaine occidentale, "l'opération de sécession" représentant un des outils les plus employés. La plupart du temps, bien sûr, sans consulter les populations concernées… Une des plus importantes opérations de sécession "architecturée" par la France a été, par exemple, celle du Liban arraché à la Syrie. (4) Pensant s’y installer à demeure. Mais, les évènements en décidèrent autrement.

 

Sans vouloir dresser une typologie des différentes approches de main mise sur « La Richesse des Nations », notons l’originalité de la méthode britannique. Très « Business Minded », anticipant les enjeux énergétiques entre puissances, les anglais démembraient des Nations en fonction de la superficie des nappes de pétrole et de gaz. D’où cette poussière d’émirats au Moyen-Orient, jusqu’en Indonésie où ils ont créé le sultanat de Brunei pour lui enlever les champs pétrolifères ainsi qu’à la Malaisie…

 

Pratiques de spoliation coordonnées, régulées, de nos jours, mais tout aussi implacablement, par l’Union Européenne pour ce qui relève de l’ancien domaine colonial des Etats membres. Sous emballage se voulant, à présent, indiscutablement scientifique et valorisant : « Accords de libre échange ». (5)

 

Qui ne sont, en fait, que la modernisation du pillage par des Etats "forts" à l’encontre d’Etats "faibles". Forcés d’abandonner leur souveraineté économique et financière. Comme au temps des "politiques de la canonnière", démantelant leurs droits de douane, tuant leurs industries, bradant leurs ressources naturelles et agricoles. En conséquence, renonçant à leur développement.

 

S’emparer des marchés et biens publics, après privatisations ou coups d’Etat suivant le niveau de bonne volonté des pouvoirs locaux. Telles sont les nouvelles approches coloniales…

 

Il est donc particulièrement amusant d’observer la réaction des occidentaux, s’insurgeant la main sur le cœur, l’indignation à la boutonnière, devant le résultat du référendum en Crimée : « contraire au droit international ». D’après eux, et leur exercice du droit international "à géométrie variable".

 

Avec une rage, surprenante chez les uns et les autres. Tout particulièrement, celle de notre suzerain : les Etats-Unis…

Crimée : Obama Souviens-toi de Panama !...

Du Panama au Kosovo, du Soudan à la Libye…

 

« Washington "rejette" le référendum », nous est-il martelé dans nos médias de la propagande ! (6) Les plus bellicistes s’énervent même ! Souhaitant, fous furieux, en découdre avec la Russie.

 

Notamment,  les Laurel et Hardy de la politique étrangère américaine : Robert Menendez, sénateur "démocrate" du New Jersey et président de la commission des affaires étrangères du Sénat, flanqué de son compère Bob Corker, sénateur "républicain" du Tennessee, membre de cette commission. (7)

 

Pourquoi pas ?... Libre à eux d’exprimer leur déplaisir… La Terre n’en continue pas moins de tourner…

 

Aboiements et vociférations, d’autant plus surprenants que les Etats-Unis sont des adeptes fidèles des sécessions. Sauf chez eux !

 

Infatigables et déterminés, concepteurs, promoteurs, planificateurs, artisans, des plus retentissants démembrements de ces dernières années. Dans le mépris du droit international. Généralement, si le pays visé n’a pas été pulvérisé préalablement sous les bombes et dans le chaos, sans référendum : Yougoslavie, Soudan, Irak, Libye, Syrie…

 

La liste est interminable. Dans leurs projets les plus obsessionnels, nous le savons tous, figurent ceux de l’Iran et de la Russie. Et, inévitablement : de la Chine…

Crimée : Obama Souviens-toi de Panama !...

Pour ma part, une des opérations de sécession, véritable cas d’école, parfaitement organisée et mise en œuvre par les Etats-Unis est celle du Panama. A plus de 3500 km de leurs frontières. Au début du XX° siècle. Obama aurait-il oublié ses livres d’histoire ?...

.

Bref rappel.
.
Sous l’impulsion de Simon Bolivar, suite à des batailles acharnées et des répressions féroces, les colonies espagnoles d’Amérique du sud obtiennent leur indépendance de la métropole en 1821. Le Panama, avec une partie du Nicaragua, constituait une province de l’Etat dénommé alors "Grande Colombie". Comprenant aussi l’Equateur et le Venezuela, avant leur séparation ultérieure.

Etat instable qui connut plusieurs guerres civiles, dont celle des "Mille Jours" (1899-1902) évoquée dans le chef-d’œuvre de l’écrivain Colombien Gabriel Garcia Márquez, "Cent ans de solitude". Profitant de son épuisement économique et de son endettement, les Etats-Unis imposent, en 1903, au gouvernement Colombien le traité Hay-Herran.

 

L’objectif principal des américains étant d’obtenir la concession des travaux du percement du Canal de liaison Atlantique-Pacifique à travers l’isthme de Panama. Et, son exploitation ultérieure. Travaux qui avaient été commencés, puis abandonnés, par les Français, suite à un énorme scandale financier, mettant à jour la profonde corruption du monde politique et des médias. Rien de nouveau…

Crimée : Obama Souviens-toi de Panama !...

Coup d’éclat ! Considérant ce traité comme une violation de sa souveraineté et une spoliation économique, le Congrès Colombien en rejette les clauses le 12 août 1903. Les Etats-Unis enclenchent immédiatement l’opération de sécession, en soutenant un mouvement « autonomiste ». Secrètement financé de longue date. Lancement de l’opération prévu pour le mois de novembre 1903.

Impeccable planification.

 

Arrestation de tous les représentants des autorités officielles sur place, hostiles à ce coup d’Etat. Les chemins de fer du Panama sont bloqués. Le câble sous-marin de télécommunications est saboté. Un puissant bâtiment de la marine américaine, le Nashville, assure le blocus de tous les accès maritimes, sous prétexte d’assurer la « neutralité des chemins de fer »… Bloquant, ainsi, toute information et réaction du gouvernement central.

 

Cascade d’enchaînements parfaitement huilés. Un véritable "sprint"…

 

La République du Panama est proclamée le 4 novembre 1903. Le gouvernement central, à Bogota, ne l’apprendra que le 6 novembre. Les Etats-Unis reconnaissent la nouvelle république, le 13 novembre 1903. La France, la reconnaît le lendemain… Puis, le reste du clan…

 

Evidemment, Time is Money, le 18 novembre suivant les Etats-Unis représentés par le secrétaire d'État John Hay, signent avec la jeune République plus que complaisante, représentée par Philippe Bunau-Varilla, le traité de "concession-spoliation" du projet de canal transocéanique...

 

Vite fait, bien fait.

 

Il faudra attendre 1977 pour que le Panama puisse récupérer sa souveraineté, au moins, sur la zone entourant le canal. A défaut du canal lui-même. Grâce à la ténacité du chef de l’Etat de l’époque, Omar Torrijos.

 

Grand ami de Gabriel Garcia Márquez, magnifique personnalité, hors du commun,  préfigurant Chavez par sa sollicitude à l’égard du "petit peuple", au sens affectueux du terme, des paysans. Dont il était issu. Lançant de multiples projets sociaux. Ecoles, dispensaires, en priorité. Politique doublée d’une constante chasse à la corruption. Il travaillait, avec les Japonais, sur un projet du doublement du canal.

 

Pour cela, diabolisé dans les plus invraisemblables mensonges.

 

"Intègre" ! Le "social", la "souveraineté" sur le canal, le "doublement" du canal… Puis, quoi encore ?..

 

Il les a tellement excédés qu’ils lui ont fait exploser son avion.

 

Le 31 juillet 1981.

Crimée : Obama Souviens-toi de Panama !...

Omar Torrijos - Assassiné le 31 juillet 1981

 

 

 

Vous dites : « contraire au droit international » ?...

 

 

 

 

 

 

 

 

(1)  Augustin Berque, Ecoumène - Introduction à l’étude des milieux humains, éditions Belin, 2009, p. 14.

(2)  Raphaël de Benito, Le Canal du Mozambique – Un enjeu stratégique pour la France, 13 juin 2012,
http://survie.org/billets-d-afrique/2012/214-juin-2012/article/le-canal-du-mozambique-un-enjeu
(3)  Georges Stanechy, Tibet : Excuses d’un Français au Peuple Chinois, 11 avril 2008,
http://stanechy.over-blog.com/article-18658527.html

(4)  Georges Stanechy, Syrie : La France Asservie, 22 juillet 2011,
http://stanechy.over-blog.com/article-syrie-la-france-asservie-80003070.html

(5)  Marie Bazin, Afrique Caraïbes Pacifique – L’Union Européenne poursuit son offensive, 1er août 2012,
http://survie.org/billets-d-afrique/2012/214-juin-2012/article/afrique-caraibes-pacifique-l-union

(6)  Crimée : Washington "rejette" le référendum, Le Point, 16 mars 2014,

http://www.lepoint.fr/monde/crimee-washington-rejette-le-referendum-16-03-2014-1801721_24.php

(7)  We need to stand up to Russia, Press TV, 16 mars 2014,
http://www.presstv.ir/detail/2014/03/16/354940/us-must-stand-up-to-russia-senators/

 

Caricature de Sani : http://sanidessinateur.blogspot.fr/

 

 

 

 

 

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2 septembre 2011 5 02 /09 /septembre /2011 15:00

 

 

 

“La colonisation de la Nouvelle-Calédonie fut l’une des pires qu’il y eut au monde.”    

Rosselène Dousset Leenhardt - Ethnologue (1)

 

 

Notre président vient de passer près de trois jours en Nouvelle-Calédonie. Ouvrant officiellement, le samedi 27 août 2011 à Nouméa, les XIVe Jeux du Pacifique qui se termineront le 10 septembre prochain.

 

Jeux réunissant 22 Etats de la région, essentiellement d’autres îles et archipels. En dépit des bouderies de certains poids-lourds, en termes économiques et politiques, comme Hawaï, ou encore l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Le paradoxe étant de voir Nouméa accueillir des Etats indépendants tout en conservant son statut colonial…

 

Drapeau-Kanak---.jpg

 Spoliation, violence et génocide culturel 

 

Notre Grand Timonier venait aussi prendre la mesure de la situation, dans ce qui représente une de nos principales colonies dans l’hémisphère sud. Survivances de notre défunt empire. Récemment se sont encore produits des évènements violents, entraînant la mort de plusieurs personnes. Revendications, tensions, agitations, y sont en permanence explosives. Malgré les lénifiantes déclarations officielles, pieusement retranscrites par les médias de la propagande. Dans le genre (Agence de Presse Reuters) :

“Visite consensuelle de Nicolas Sarkozy en Nouvelle-Calédonie”

 

Car, les révoltes n’ont jamais cessé au cœur de cette nation, magnifique de courage : la Nouvelle-Calédonie, la Kanaky, son nom historique, ancestral, authentique. Tout au long de l’exploitation coloniale française d’une rare sauvagerie, y compris jusqu’à nos jours. D’autant plus implacable et sadique que l’éloignement de la métropole est la garantie de l’étouffement de l’information, dans une complicité médiatique totale (jusqu’aux moteurs de recherche du web qui occultent sites et blogs “indépendantistes”…).

 

Dans l’impunité.

 

On ne pourrait inventorier toutes les violences racistes et parodies de justice l’accablant, depuis que la France s’en est militairement emparé.

 

Kanaky : morceau de paradis, tombé du Ciel, où l’enfer colonial s’est imposé, incrusté, dans la Bonne Conscience des colons prédateurs …

 

Un archipel du bout du monde, dans un immense océan, à près de 17.000 kms de la métropole, uniquement peuplé de Mélanésiens, les Kanaks, lors de sa découverte par une expédition de l’explorateur britannique Cook, le 4 septembre 1774. Annexé par la France, sous le vocable “colonie”, 79 ans plus tard : le 24 septembre 1853. Colonie exploitée dans une oppression dont on éprouve de la peine à imaginer, à croire, le niveau d’incroyables souffrances et humiliations infligées aux Kanaks.

 

Colonie de “peuplement” où la France a envoyé des bagnards, des exilés politiques suite à la répression de la Commune. Puis, de la main-d’œuvre "importée" d’Indonésie, du Vietnam les “chan dang”, des îles polynésiennes de Wallis, et, bien sûr, des “cadres” et autres métropolitains installés à prix d’or. L’essentiel étant de noyer les Kanaks dans un afflux de populations, étrangères à leur terre ancestrale. Pour les réduire à une “minorité”, exclue de l’avenir de son pays.

 

Dans la spoliation, analogue à celle des “Peaux-Rouges” en Amérique du nord, Amérindiens en Amérique “latine”, Maoris en Nouvelle-Zélande, Aborigènes en Australie. Avec une férocité telle, que même l’Eglise et ses représentants les pères maristes, pourtant fervents de la colonisation, en étaient effrayés :

“… chassés de leurs terres, de leurs villages, de leurs vallées, qu’ils ne cèderaient jamais à prix d’argent, il ne faut pas en douter. Tout en cédant à l’autorité et au mouvement qui les forcent à s’exécuter…” (2).

“… Dans le centre de l'île où de larges territoires ont changé de mains, les mélanésiens sont exsangues. Déportations et cantonnements ont dépeuplé le pays, rompu les réseaux, cassé les dynamiques sociales, brisé les groupes coupés de leur environnement familier.

Ponctuant une succession de révoltes menées un peu partout dans l’île entre 1856 et 1869 et toujours réprimées ou soldées par des dépossessions de terres, l’échec de la grande insurrection généralise, parmi les Kanaks, un découragement suicidaire.” (3)

 

Ces atrocités s’accompagnent de l’enrichissement d’une oligarchie locale, en cheville avec les responsables de l’administration et de l’armée :
“… une bourgeoisie d’affaires, même réduite à une poignée de collectionneurs de commerces, de professions libérales, de mines et de stations d’élevage, à travers un processus de captation et d’accumulation de biens auquel la spécificité pionnière confère une rapidité extrême ”. (4)

 

"Rapidité extrême" ?...

 

En clair : “fabuleuse”. C’est ainsi qu’un colon, Gratien Brun, en 1880 :

“… possède plusieurs stations [fermes d’élevage, NdA] couvrant ensemble 24.000 hectares et contenant 20.000 têtes de bétail.” (5)

 

Kanaks, taillables et corvéables à merci. Avec interdiction de pratiquer leurs langues, une vingtaine dans l’archipel, sous peine d’amendes, de brimades, de sévices…

 

Dans le mépris raciste absolu (6). 

 

 

Du nickel plein les poches 

 

En France, très peu d’informations, encore moins de recherches, de témoignages, de publications, sur ce pan de nos forfaits coloniaux en Kanaky. Il faut, souvent, recourir à des travaux d’universités australiennes ou néo-zélandaises pour avoir des documents, des analyses. Seul le folklore Kanak est, à présent, célébré par l’administration coloniale… Hors folklore : silence !

 

Des européens courageux ont essayé de dénoncer, d’entraver, pareils comportements. Ils ont tous été la cible d’attaques et de menaces des milieux colonialistes.

 

Parmi les plus déterminés, citons le missionnaire protestant Maurice Leenhardt (7), ainsi qu’un de ses élèves, Jean Guiart. Ils n’ont cessé de critiquer l’administration, les milieux colons et l’idée même du colonialisme. Unanimement respectés par le peuple Kanak et dans le Pacifique. Luttant aux côtés des Kanaks, dont l’interdiction de se déplacer librement dans leur propre pays n’a été levée qu’en 1946 …

 

Deux témoignages :

 

Le premier, antérieur au soulèvement des années 1980, de Rock Pidjot, une des grandes figures de l’indépendance Kanak :
“… C’est un pays où les autochtones, qui représentent la moitié de la population, sont les seuls à ne pas être propriétaires des terres sur lesquelles ils vivent mais où trois gros propriétaires fonciers possèdent le tiers des terres données en concession lors de la colonisation française (90.000 hectares sur 280.000)…
La Nouvelle-Calédonie attend toujours sa décolonisation. Tous les autres pays du Pacifique sont devenus indépendants ou autonomes : Fidji, Samoa, Tonga, Nauru, Nouvelle Guinée. Il n’y a plus que la France qui conserve, sous de nouvelles dénominations, de véritables colonies…” (8)

 

Le second, de Marc Coulon :
“… Le 9 mai 1985… des commandos armés, menés par Henri Morini, chef du service d’ordre du RPCR [ancienne émanation de l’UMP local, NdA], ont attaqué un paisible meeting Kanak à Nouméa. Cela n’a pas suffi. Une chasse aux Kanaks s’est amplifiée démesurément, pendant des heures, dans plusieurs quartiers de la ville ; la droite déclenchait la guerre ethnique ou plutôt raciste. L’apartheid ne suffisait pas, il leur faut massacrer…
Les razzias des garde-mobiles [gendarmerie, NdA] dans les tribus (offensives à la grenade, attaques des femmes et des enfants, saccages des cases, destructions des matériels et mobiliers, passage à tabac…) ; les arrestations nombreuses et durables des militants politiques et leur séquestration dans des conditions sans rapport avec aucun discours sur les droits de l’homme, l’espionnage public et privé permanent des activités des leaders… ” (9)

 
La “gendarmerie”, considérée comme une armée d’occupation, une milice coloniale au service d’intérêts privés, et non pas d’un Etat républicain, démocratique. Honnie, méprisée, vomie, par le peuple Kanak…

 

Evidemment, cette féroce répression n’a pas pour finalité la préservation de milliers d’hectares ou la production de tonnes de viande pour le bénéfice d’une poignée  de colons racistes. Mais, l’appropriation, la spoliation d’une colossale richesse à l’échelle de la planète.

 

Car, la Kanaky est fabuleusement riche : elle détient, au minimum, le quart des réserves mondiales de Nickel, non comprises celles qui se trouveraient offshore...

 

Ressource naturelle exploitée dès 1880 par une société constituée à cet effet, Le Nickel, propriété de la famille Rothschild qui en fit à la fin des années soixante la maison-mère de l’ensemble de ses sociétés minières, la locomotive de son pôle minier… (10)

 

Après une multitude de tribulations boursières et juridiques, inévitables changements d’actionnaires et restructurations, cette richesse est actuellement exploitée par le groupe français “Eramet”. Dont le siège se trouve, non pas en Nouvelle-Calédonie, mais dans la Tour Montparnasse, à Paris. (11)

Ce groupe, organisé en plusieurs filiales, revendique ainsi les titres de 6ème producteur mondial de nickel, et 2ème producteur mondial de ferronickel, alliage utilisé dans l'élaboration des aciers inoxydables, et 1er producteur mondial de chlorure de nickel. Le marché des “aciers inoxydables et alliages” représentant 85% de son chiffre d’affaires, en 2010. (12)

 

Le monde étant petit, il n’est pas inintéressant de noter qu’Eramet dans ses actions de diversification a conclu des accords de partenariat avec le groupe Bolloré qui a affiché ses ambitions dans la construction de la voiture électrique.

En février 2009, pour : « … l’extraction et la transformation de lithium pour la fabrication de batteries électriques rechargeables pour l’automobile ».

En février 2010, pour : « … l'exploration assortie d'une option d'achat portant sur des gisements de lithium avec la société argentine Minera Santa Rita ». (13)

 

Les opérations d’extraction du minerai (garniérites) en Nouvelle-Calédonie, avec 5 centres miniers situés dans le Nord et le Sud de l'Ile, s’effectuent sous couvert d’une filiale qui a pour nom Le Nickel-SLN. Avec une usine de transformation du minerai en ferronickel dans l’usine métallurgique de Doniambo, à proximité de Nouméa (80%). Le reste (20 %) est transformé en France, à la raffinerie de Sandouville, sous forme d’une matte de nickel.

 

Curieuse configuration que l’actionnariat d’Eramet, suite à une rocambolesque jonglerie qui fait le charme subtil du Libéralisme Economique : aux côtés d’actionnaires et “porteurs” d’actions privés, l’Etat français se réserve 27,37 % des actions (dont Areva 26%), la part de la Nouvelle–Calédonie ou Kanaky [les 3 provinces regroupées dans une STCPI] se trouvant réduite à 4,16 %. (14)

 

Autrement dit, la nation Kanak dont le nickel est à la source de la fortune de ce qui est devenu au fil du temps le groupe Eramet, avec ses cascades d’actionnaires et de filiales, doit se satisfaire d’un bol de pois-chiches… 

 

 

Apartheid et révoltes 

 

La nation Kanak, spoliée de ses terres et ressources naturelles, niée dans son droit à l’autodétermination, marginalisée dans sa représentation aux postes de responsabilité (administration, enseignement, professions libérales, directions d’entreprises, etc.), maintenue dans la pauvreté, la précarité, l’humiliation, refuse de se voir folklorisée dans des “réserves” ou des parcs nationaux pour touristes, de voir sa jeunesse sombrer dans le chômage, l’alcoolisme, la drogue, la délinquance.

 

Autorisant la puissance coloniale à toutes les répressions et les justifications racistes. La population carcérale est actuellement de 200%, le gouvernement français planifiant, dans sa stratégie visionnaire, la construction de nouveaux centres pénitentiaires et une augmentation des effectifs de police…

 

Alors, la révolte ne cesse pas et jamais ne cessera face à ce qui est, dans les faits, un abject apartheid destiné à maintenir la suprématie des colons européens.

 

Un évènement a marqué l’histoire récente, déformé, caricaturé et enseveli par les médias de la désinformation :

 
Le 5 mai 1988, des troupes spéciales françaises (15) donnent l’assaut à une grotte, dans l’île d’Ouvéa (16), où s’étaient retranchés des indépendantistes Kanaks, avec des gendarmes pris en otages. Point culminant de troubles qui avaient mené le pays au bord d’une guerre civile entre des colons, avec leurs auxiliaires, et des résistants d’origine Kanak. (17)

 
Les otages sont libérés. Mais les 19 indépendantistes sont tués, plusieurs “… après la prise de la grotte dans des circonstances déshonorantes pour l’armée française (18)”. Michel Rocard, dans une déclaration, dénonce l’assassinat de deux indépendantistes blessés :

“… J’ai honte aussi quand deux militaires ont achevé à coups de crosse deux preneurs d’otage à Ouvéa.”

 
D’après des témoins, beaucoup plus : sommairement exécutés, ou achevés pour les blessés. Dont Alphonse Dianou, qu’on retrouvera le visage défoncé et les pansements arrachés.

 
Le 26 juin 1988, sont signés les accords de Matignon, mettant un terme provisoire aux déchirements que vit cette colonie. Accord signé grâce à l’influence modératrice du leader indépendantiste, Jean-Marie Tjibaou (19). Un référendum d’autodétermination est prévu “à partir de 2014”…

 

Ce qui, en fait, ne veut rien dire. 

 

JMTjibaouMéconnu en France, où la propagande coloniale censure dans ses médias le discours et la présence d’une telle personnalité, il est considéré dans la région du Pacifique (20), comme une immense figure historique. Par son intelligence, sa sagesse, sa détermination, dans la grande lignée des Gandhi ou des Martin Luther King. De ceux qui ont su redonner la dignité à leur peuple et exiger le respect de leur identité, dans l’humanité à l’égard des autres.

 
Evidemment… Un an plus tard Jean-Marie Tjibaou est assassiné, avec son adjoint à la direction du parti indépendantiste FLNKS, Yeiwéné. Il s’y attendait.

 

Plusieurs de ses lieutenants avaient été tués par des snipers de la gendarmerie, Eloi Machoro (21) et Marcel Nannoro, pour ne citer que les plus connus. Deux de ses frères avaient été assassinés, en 1984, avec huit autres Kanaks, dans une embuscade tendue par des colons. Brûlés vifs, encore blessés, dans leurs voitures, criblées de balles. Le tristement célèbre, dans la région Pacifique, massacre d’Hienghène. En dialecte local, Hienghène : “Pleurer en marchant”

 

Tous les assassins ont été acquittés pour “légitime défense”, à la suite d’un simulacre de procès, en 1987, analogue à ceux de l’Alabama, de l’Arkansas ou d’autres Etats racistes des USA, du temps de la ségrégation raciale. Tous les membres du Jury étaient des colons, les sinistres “caldoches”, qui ne dépareraient pas dans une assemblée du Ku-Klux-Klan. Il n’y a pas de juge ou d’avocat Kanaks, en Kanaky…

 

Son pressentiment s’est réalisé le 4 mai 1989. Une balle en pleine tête, tirée par un Kanak, à bout portant, lors d’une commémoration du massacre d’Ouvéa.

 

Comme souvent dans ce genre d’opérations, l’assassin est immédiatement abattu, sans sommation, par un policier présent. Pas d’enquête, pas de procès. Affaire classée...

 
Le référendum est ainsi repoussé en 2018, par les Accords de Nouméa du 4 mai 1998. Le temps, pour la puissance coloniale, de s’assurer une majorité contre l’indépendance, par un basculement démographique. Schéma classique, que les USA ont pratiqué dans l’archipel d’Hawaii.

 
Certains hommes politiques français ont le courage d’avoir honte. Ils sont très rares. Combien ont souscrit aux propos de Michel Rocard ?

 

Il avait découvert, il est vrai, le “Dossier Néo-Calédonien” dans tous ses “détails”, en tant que premier ministre lors de la présidence Mitterrand. Choqué, atterré, il s’était démarqué du cynisme colonial par cette volonté de contrition :
“… La France a fait des choses dont j’ai honte. Quand l’armée chassait les tribus de la mer [surnom des Mélanésiens, NdA] à coups de fusil pour faire place aux colons. le grand-père de Jean-Marie Tjibaou a couru comme ça en portant un enfant de quatre ans. A côté de lui, un proche est tombé d’une balle dans le dos…”

 
Mais, la honte ne change pas grand-chose…

 

L’exploitation, la répression continuent, se perpétuent, dans l’autosatisfaction et l’hypocrisie. Au mépris des principes élémentaires d’une république dite démocratique et civilisée….

 
Parmi les infamies les plus marquantes de ces dernières années : le 16 janvier 2008. Une manifestation pacifique de militants syndicaux de l’USTKE (Union Syndicale des Travailleurs Kanaks et des Exploités), salariés de l’entreprise de transport en commun Carsud, en conflit avec leur direction (groupe Veolia), est réprimée, avec une violence féroce, par la gendarmerie mobile. (22)

 

On dénombre 20 blessés, dont cinq grièvement. A cela, s’ajoute arrestations et emprisonnements préventifs, en attente d’un jugement par le tribunal correctionnel de Nouméa. Le 21 avril 2008, ce tribunal rend son jugement : 23 de ces syndicalistes sont condamnés à des peines de prison ferme, allant de 1 mois à 1 an, associées à une privation des droits civiques pendant 3 ans pour les responsable syndicaux…

 
Dernièrement : le 8 août 2011. Oui, le mois dernier. Gravissime évènement, totalement étouffé dans nos médias, dans le mensonge.

 

L’île de Mare (Nengone en Kanak), à une demie heure de vol de Nouméa, 4 morts et 30 blessés dans un conflit avec la société de transport aérien desservant l’archipel, Aircal (Air Calédonie). Devant une augmentation des tarifs inacceptable pour les insulaires, un collectif des usagers et des travailleurs des îles de Nengone (Mare), Drehu, Iaai, et Kunie, occupe pacifiquement piste et aéroport de l'île.

 

Une milice patronale, coloniale pour être sociologiquement plus précis, comme il y en a tant en Kanaky, surgit, attaque, mitraille, pour tuer et terroriser. Orgie sanguinaire, d’une implacable cruauté. S’évanouissant dans la nature et provoquant l’envoi aéroporté des forces de l’ordre.

 

En Kanaky, on ne discute pas : on tire dans le tas… Inévitablement, parfaitement rodée, la propagande prend le relais pour désinformer : guerre tribale, règlement de comptes clanique, etc. (23)

 

Sous-entendu : « Que voulez-vous chez ces sauvages… Ils se complaisent dans le sous-développement… Passant leur temps à se battre entre eux… Heureusement que nous sommes là… »

 

Ne noyons pas notre tête dans le sable : un massacre organisé de 4 tués et 30 blessés dans une petite île, est l’équivalent de 4.000 tués et 30.000 blessés à la dimension d’un pays. Un crime contre l’humanité. Les responsables, commanditaires, qui organisent, cautionnent, couvrent, l’action de ces milices ou escadrons de la mort, similaires à ceux qui sévissent en Colombie et autres pays d’Amérique latine, méritent le Tribunal de La Haye.

 

Kanaky : symbole du pillage colonial, de la sauvagerie prédatrice, de la terreur raciste, de l’impunité criminelle.

 

En visite au Québec, à Montréal en 1967, le général de Gaulle avait eu le courage, l’audace, de crier devant micros et caméras : « Vive le Québec Libre ! ». A Nouméa en vain, j’ai attendu, espéré, rêvé, un même élan chevaleresque, Don Quichotesque. Sarkozy, bras levés, pin de l’OTAN à la boutonnière, épingle à cravate siglée ONU, charismatique de panache, christique de grandeur d’âme, rugir face à la foule :

« Vive la Libye Kanaky Libre ! »…

 
 

 

 

 

 

 

 

(1) In Le Dossier Calédonien, Jean-Paul Besset, Cahiers Libres, La Découverte, 1988, p. 75.

(2)  Deckker, Paul & al., ouvrage collectif, Le Peuplement du Pacifique et de la Nouvelle-Calédonie au XIX° siècle – Condamnés, colons, convicts, chan dang, Actes du Colloque Universitaire International, publiés sous la direction de Paul de Deckker, Editions l’Harmattan, 1994, p. 318.
(3)  Soussol, Alain, Université de Montpellier, in Paul de Deckker, (Op. Cit.), p. 362.
(4)  In Paul de Deckker, (Op. Cit.), p. 363.
(5)  In Paul de Deckker, (Op. Cit.), p. 365.
(6)  Guiart, Jean, La Terre est le sang des Morts – La Confrontation entre Blancs et Noirs dans le pacifique sud français, Editions Anthropos, 1983.

(7)  Clifford, James, Maurice Leenhardt – Personne et Mythe en Nouvelle-Calédonie, Editions Jean-Michel Place, 1987.
(8)  Rollat Alain, Tjibaou le Kanak, (Op. Cit.), p. 149.
(9)  Coulon, Marc, L’Irruption Kanak – de Calédonie à Kanaky, Messidor Editions Sociales, 1985 p. 219.

(10)  Cf. : Histoire et évolution de la société sur le site officiel : http://www.eramet.fr/fr/Site/Template/T1.aspx?SELECTID=47&ID=54

(11)  ERAMET  Nickel - Tour Maine Montparnasse - 33, avenue du Maine - 75755 PARIS - Cedex 15 – Tel. : 33 1 45 38 42 00 - 33 1 45 38 73 48

(12)  Cf. : Nos activités – Nickel : Chiffres clés – Chiffre d’affaires par marché en 2010 : http://www.eramet.fr/fr/PRODUCTION_GALLERY_CONTENT/DOCUMENTS/Nickel_In_Society_FR.pdf
& Rapport Annuel 2010 (téléchargeable), notamment p. 3.

(13)  Nos activités, Op. & site Cit.

(14)  STCPI : Société Territoriale Calédonienne de Participation Industrielle

(15)  Plenel, Edwy et Rollat, Alain, Mourir à Ouvéa – Le Tournant Calédonien, La Découverte, 1988.

(16)  Picard, Gilles, L’affaire d’Ouvéa, Editions du Rocher, 1988.

Exemple emblématique de l’ouvrage de désinformation et de propagande, destiné à discréditer l’aspiration à l’indépendance d’un peuple. La presse de l’époque reprenait, dans sa majorité, les mêmes clichés pour anesthésier l’opinion publique métropolitaine. Avec, face à des “barbares”, “l’élite de l’élite de l’armée” représentant la défense de la civilisation, sans craindre boursouflure et ridicule :

 “… les muscles des maxillaires se sont contractés…” (p. 94).
(17)  Face à la censure du débat, en France, sur la situation coloniale en Nouvelle-Calédonie, saluons le courage de Mathieu Kassovitz pour avoir réalisé un film sur l’affaire d’Ouvéa. Dans les pires difficultés. Notamment : refus de l’armée et de l’administration de collaborer. Sortie prévue : le 16 novembre 2011. Le titre du film est en soi tout un programme : « L’Ordre et la Morale ».

(18)  Spencer, Michael & al., Nouvelle-Calédonie – Essai sur le Nationalisme et la Dépendance, Editions L’Harmattan, 1987. p. 299.

(19)  Rollat, Alain, Tjibaou le Kanak, Editions La Manufacture, 1989.

(20)  Cf. Michael Spencer (Op. Cit.).

Le rôle et l’influence de Jean-Marie Tjibaou, en Kanaky et dans le Pacifique, systématiquement occultés par la propagande française (il n’est même pas cité dans l’article français de Wikipedia sur la Nouvelle-Calédonie !…), sont unanimement reconnus chez les chercheurs et responsables de la région Pacifique, notamment anglo-saxons, y compris en Australie et en Nouvelle-Zélande…
(21)  La stèle, commémorant ce crime d’Etat, porte comme mention :

Eloi Machoro, combattant de la liberté, victime de l’ordre colonial d’Etat français, assassiné le 12 janvier 1985 ”.

(22)  Le groupe Veolia, une fois de plus, fait étalage de son constant souci éthique dans le respect des droits de l’homme et de la dignité humaine… 

(23)  Cf. : communiqué de l’UGTG sur cette tuerie coloniale : Guadeloupe-Kanaky même combat, http://ugtg.org/article_1557.html & http://www.internationalistes13.org/article-guadeloupe-kanaky-meme-combat-communique-de-l-ugtg-81091710.html 

 

 

Illustrations :

Drapeau de la nation Kanak

Photo de Jean-Marie Tjibaou

 

NdA : Note de l’Auteur du billet

N.B. Ce texte est l’actualisation d’un billet paru le 29 mai 2008, intitulé Kanaky : Colonie de l’Oubli

 

 

 

 

 

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3 mars 2009 2 03 /03 /mars /2009 14:56

 

 

“Nulle mystification pseudo-nationale ne trouve grâce devant l’exigence de la pensée”

Frantz Fanon (1)

 

 

 

 

 

La “France d’Outre-Mer” s’enflamme. Une traînée de poudre…

 

Partie de Guyane, la révolte s’est propagée en Martinique et en Guadeloupe. Pour y atteindre son paroxysme. Plusieurs semaines de grèves. Dans les clameurs de ces luttes, dont le “pouvoir” veut nier la signification profonde, apparaissent les métastases de ce qui ronge nos sociétés.

 

Surgit la répression policière. Répression excessivement brutale comme en Kanaky, en Polynésie, par les forces de police sous ses différents uniformes, gendarmerie, RAID ou CRS. Cette force de maintien de l’ordre, vécue comme une milice au service d’une caste privilégiée, surnommée par la population : “La Jaune”.

 

Pratiquant, assistée des médias officiels, un mixage d’intimidation, de violence et de provocation pour inciter à une radicalisation permettant de diaboliser les mouvements de protestation.

 

Inévitablement, survient le premier mort syndicaliste. En Guadeloupe, ce fut Jacques Bino. Selon l’habitude dans ce genre de situation, on ne connaîtra jamais les circonstances exactes de l’assassinat. Quels qu’en soient les “suspects”.

 

Pendant que les “négociations”, entre les révoltés et les pouvoirs en place, se perdent, se diluent dans les sables du temps… Tactique habituelle des manœuvres politiciennes à courte vue, souhaitant le “pourrissement”… L’essentiel étant que rien ne change.

 

Depuis des siècles.

 

Royauté, Empire ou République…

 

Droite ou gauche…

 

 

 

 

Nèg Mawon

 

Les Caraïbes, ce chapelet d’îles en arc de cercle du Venezuela à la Floride, depuis l’irruption de la colonisation européenne, n’en finissent pas de lutter contre le sort qui leur est imposé.

 

Les autochtones, les indiens caraïbes qui ont donné leur nom à cette partie du monde, ont tous été massacrés lors de l’arrivée des espagnols. Bartolomé de Las Casas, un des témoins de l’époque, avait avancé une première estimation de ces massacres, englobant les îles Caraïbes et le continent sud-américain (2) :

“… les chrétiens causèrent par leurs tyrannies et œuvres infernales la mort de plus de 12 millions d’âmes, hommes, femmes et enfants…”.

 

A ces massacres ont succédé les importations massives d’esclaves, depuis l’Afrique. Recomposant le peuplement au seul bénéfice d’une oligarchie européenne :

“… c’est par millions qu’on importa les esclaves africains pour coloniser le pays en vue de remplacer des millions d’indigènes caraïbes massacrés. En ce qui concerne l’introduction des Noirs, quelques auteurs ont parlé de 10 ou 15 millions d’individus.

Mais tous les Noirs importés dans les premiers temps de l’esclavage périrent sans descendance comme les indiens caraïbes…” (3)

 

Dans leurs conquêtes prédatrices les puissances européennes, depuis le 15° siècle, n’ont cessé de se disputer, s’arracher, s’échanger, se répartir les îles de ce qui aurait dû être un paradis terrestre : Espagne, France, Grande-Bretagne, Hollande, Danemark, Suède… Bagarres d’Etats voyous, esclavagistes, entrecoupées de traités, conventions ou accords, auxquelles se sont joints, plus tard, les puissants voisins US.

 

Hors la caste coloniale, un “enfer” jonché, pavé, de massacres et d’horreurs tout au long des siècles, les esclaves luttant pour leur libération. De toutes ces îles, La Guadeloupe a été une des terres où la résistance fut la plus systématique, acharnée :

“… Depuis leur arrivée en Guadeloupe (et même sur le bateau), ils se sont toujours révoltés même si la répression s'abattait avec férocité et cruauté (jarrets coupés, oreilles enlevées, estampage au fer pour mettre le nom du maître, pendaison, écartèlement…).

Ceux qui s’échappaient étaient appelés "nèg mawon "(lire nègre marron). Ils organisaient régulièrement des attaques des habitations, incendiaient les plantations, empoisonnaient les maîtres, entraînaient dans le "mawonaj " d'autres esclaves.

L'un des exemples de cette résistance fut la lutte héroïque de 1802…” (4)

 

Ces îles ont subi tous les travestissements institutionnels. Fausses intégrations nationales sous forme de vice-royautés, de provinces ou de départements. Suivies, pour certaines d’entre elles, de fausses indépendances. Sans jamais pouvoir se défaire de la tutelle coloniale. Jusqu’à aujourd’hui…

 

Même Cuba voulant s’affranchir du colon espagnol, puis de la tutelle américaine, s’est trouvée isolée, agressée, étouffée sous embargo, politiquement et économiquement, par le club des puissances coloniales dirigé par les USA. Au motif que ses choix ne correspondaient pas à ce qui était “politiquement correct”. (5) Comme pour l’île de Grenade envahie militairement par les USA, sous un faux prétexte, en octobre 1983…

 

Leur seule vocation admise par La Communauté Internationale : être des chasses gardées, servant de rente de situation à quelques richissimes familles, alimentant les comptes secrets des politiciens dans les “paradis fiscaux”.

 

N’est-ce pas dans les Caraïbes où se trouve la plus grande concentration de ces paradis fiscaux, de ces niches fiscales et autres astuces, permettant à une poignée de privilégiés internationaux d’échapper à l’impôt, dont on veut nous faire croire que ces mêmes politiciens envisageraient de “réguler” ?… Tout en ne cessant d’affirmer que les caisses de leurs Etats sont vides. Anglais, espagnol, français…

 

La poursuite des pratiques coloniales se dissimulant à l’abri du développement de luxueux centres de villégiatures destinés à la ploutocratie mondiale, avec “pavillons de complaisance” pour leurs yachts. Suivie par une bourgeoisie occidentale souhaitant s’identifier aux VIP et autres People, dont ils ne feront jamais partie. Certains s’encanaillant dans le tourisme sexuel, masculin et, à présent, féminin… (6)

 

En France, Nelly Schmidt, directrice de recherche au CNRS dont les travaux font autorité, est une des rares spécialistes à travailler sur cet aspect rigoureusement occulté par les médias et les livres d’histoire de nos enseignements scolaires : l'esclavage, les abolitions et les politiques coloniales de notre pays aux Caraïbes-Amériques.

 

Son dernier livre, édité en ce début d’année, aide à comprendre les fondements de la révolte actuelle : La France a-t-elle aboli l’esclavage ? Guadeloupe – Martinique – Guyane – 1830-1935 (7).

 

Dans un entretien avec un hebdomadaire, elle rappelle les origines de cette pathologie politique d’un autre âge (8) :

Dans les colonies françaises des Caraïbes, l'ensemble des importations et des exportations est géré, encore aujourd'hui, par un très petit nombre de sociétés. C'est l'héritage de « l'Exclusif colonial » des XVIIe et XVIIIe siècles.

La conséquence de cette situation de quasi-monopole, c'est que ces sociétés fixent les prix qu'elles veulent. Des prix bien souvent excessifs.

Mais au-delà des questions liées au prix des différentes marchandises, c'est à la fois les paradoxes du développement social de ces territoires, les incuries successives dont ils ont souffert et le lourd héritage de leur histoire qui apparaissent sous les projecteurs”.

 

Monocultures, ou cultures “d’exportation”, au bénéfice des grands planteurs et des armateurs, fondées sur l’exploitation d’une main-d’œuvre ayant pour seule perspective : la survie. Sucre, coton, café, indigo. Depuis les années 60, la banane.

 

Avec importation de tout le nécessaire au fonctionnement économique et à la vie quotidienne. Tous produits alimentaires ou manufacturés : outils, meubles, toiles habillements, etc. (9). Depuis des siècles.

 

A ce jour, rien n’a changé. Aucune autosuffisance alimentaire. Tout est importé. Jusqu’à des yaourts. Rien n’est fabriqué sur place, si ce n’est une petite industrie de conditionnement et d’emballage. Les “entreprises locales”, n’étant que des importateurs, type concessionnaires de voitures ou vendeurs de jacuzzi…  Importations, pour le seul bénéfice des grands distributeurs, et des armateurs.

 

Autrement dit : la même caste de privilégiés prospérant dans l’impunité, dans l’opacité des circuits gérés par des initiés. Au nom de “la liberté d’entreprendre” et du “Libéralisme économique”. Au mépris de ses propres principes affichés de “libre concurrence”…

 

S’engraissant comme champignons sur fumier, sur la spéculation immobilière, les monopoles, ententes, cartels, “représentations exclusives”, subventions et autres gabegies de l’Etat, via ses élus ou sa haute fonction publique...

 

 

 

République bananière

 

Ne rien changer. Ne pas bouger. Congeler…

 

Pour cela : noyer cette révolte, comme toujours, dans de “fausses négociations”, sous la menace d’une répression armée et brutale. Par l’usure, contraindre à l’abandon d’un maximum de revendications. Circonscrire, réduire, le puissant mouvement de contestation à un problème “d’augmentation des salaires” ou de “pouvoir d’achat”.

 

Pas plus.

 

Surtout : ne rien toucher aux privilèges, à l’injustice économique, à la misère sociale.

 

A ses rouages, ses mécanismes d’enrichissement personnel. Et ceux, qui lui sont inextricablement liés : de corruption. On le sait : l’aberration, l’injustice, économiques et sociales, ne peuvent perdurer pendant des décennies, voire des siècles, sans des systèmes de corruption aussi invisibles du citoyen lambda que “huilés” en permanence…

 

Un documentaire "Les Derniers Maîtres de la Martinique" diffusé sur la TV “Canal +” a fait grand bruit (10). On y entrevoyait la caste raciste des békés, ces descendants des grands propriétaires esclavagistes qui sont les maîtres des Antilles françaises. Vivant de leur rente de situation, après avoir été indemnisés par l’Etat français lors de la suppression de l’esclavage en 1848.

 

Oui. On indemnisa les esclavagistes, pas ceux qui avaient été contraints à l’esclavage…

 

Ce documentaire met en lumière le puissant lobby des producteurs de bananes. Comme toujours dans les négociations agricoles, ce sont les gros producteurs qui font pleurer les gouvernements successifs pour obtenir protection et subventions. Invoquant les “milliers d’emplois”, sous payés, qu’ils génèrent, ou les quelques petits propriétaires qu’ils tolèrent pour leur servir de “couverture”.

 

Dans ce film on apprend, d’ailleurs, qu’un prêt de 50 millions d’euros, consenti par l’Etat à ces producteurs milliardaires, est finalement “abandonné”, reconverti en “subvention”…

 

Enfermer les Antilles dans une monoculture d’exportation, avec des emplois payés une misère, c’est les contraindre au sous-développement. La France dépense des milliards non pas pour la mise en valeur de ce qui est en théorie un “département français”, mais pour entretenir à grands frais une richissime caste locale.

 

Alors que pourraient y être implantés des industries et services à haute valeur ajoutée dans ce qui constituerait une plateforme de partenariat avec les voisins sud-américains, s’intégrant dans les immenses perspectives de développement des marchés de ce continent.

 

Mais, les békés ne sont plus les seuls représentants de la caste privilégiée. D’autres “minorités” se sont rajoutées au système colonial, le renforçant : métropolitains, libanais, indiens, et autres membres de puissantes communautés. En plus de la monopolisation du secteur privé, s’ajoute celui de tous les services publics locaux et travaux publics détenus par des entreprises métropolitaines et leur représentants : de la gestion de l’eau, et des mirobolants contrats de travaux publics, à la téléphonie mobile.

 

Point commun de cette caste monopolisant pouvoir économique et politique : aucun “Noir”, descendant des esclaves, représentant la majorité de la population. Vieux et inusable système colonial : se défiant de la “majorité colonisée”, par un système de cooptation rigoureux, il sous-traite son exploitation à une “minorité” composée de groupes complémentaires et complices.

 

Les revendications du collectif LKP, de Guadeloupe, posent les vrais problèmes de fond dans ses communiqués, loin des simples préoccupations de pouvoir d’achat :

“Depuis le 16 décembre, LIYANNNAJ KONT PWOFITASYON, véritable fédération de 48 organisations d’origines diverses, syndicats, associations, organisations politiques, culturelles, de consommateurs a décidé de fédérer les mécontentements et les revendications de tout un peuple et de les porter au plus haut.

LKP et le Peuple de Guadeloupe continuent de réclamer la transformation des rapports sociaux, le respect de toutes les libertés fondamentales, le droit de vivre et de travailler dignement au pays…”

 

Ce ne sont pas, en effet, des miettes se rajoutant à d’autres miettes qui résoudront les distorsions et l’incapacité du modèle économique à répondre aux exigences de justice sociale et de cohésion d’une collectivité, dans le respect du contrat social.

 

Le cœur du problème se situe au-delà de la domination de la caste des privilégiés, dans son aspect racial : békés, métropolitains et autres minorités, au détriment d’une majorité de “noirs”.

 

C’est le système économique dans ses monopoles, rentes de situation et son incapacité à redistribuer les richesses qui est à revoir. Dans la perversion de sa structure : une minorité confisquant à son seul avantage la richesse et les revenus de la collectivité.

 

Aux Antilles et en Guyane, éclatent les faillites des systèmes économiques et politiques dont on ressent les premières manifestations en Occident, et en France tout particulièrement :

 

=> Faillite de la République dans la défense des valeurs, qu’elle prétend promouvoir, de liberté, égalité fraternité

Comment ne pas être choqué en assistant à des réunions “patronales”, dans une région à “majorité noire”, composées uniquement de “blancs” ?...

Est-il acceptable de constater qu’aucun haut fonctionnaire sur place ne soit “noir” : préfet, sous-préfet, responsable de la sécurité ?...

Ignorer, marginaliser la majorité noire, à ce point, dans une région, c’est pratiquer un “apartheid” qui ne dit pas son nom.

 

=> Faillite de l’Etat, dans ses fonctions de régulateur, de gestionnaire des équilibres et de l’avenir de la collectivité

Commet justifier des monopoles, des rentes de situation, des spéculations, des gaspillages de subventions, des pratiques de prix sans commune mesure avec les coûts de revient et les marges “normales” : des prix alimentaires, aux prix de l’immobilier, des transports, etc.

Sans aucun contrôle ?...

Le soutien d’une région, d’un secteur économique, par l’Etat, par l’argent des contribuables, exige en retour le respect d'un cahier des charges, d’obligations de résultats. Non pas la perpétuation de la protection de castes privilégiées.

 

=> Faillite du monde politique : droite et gauche

Depuis des décennies. Ils savent. Ils ont, à la fois, informations et capacité d’analyse. Mais ne disent rien. Ils n’ont rien fait et ne feront rien.

“L’opposition” a beau jeu de dénoncer l’incurie du gouvernement actuel, alors qu’elle-même, au pouvoir pendant 14 ans, n’a strictement rien conçu, proposé, appliqué, pour améliorer la gestion de la collectivité des Antilles.

La complicité des politiciens à l’égard d’un système profondément injuste et spoliateur aux dépens d’une majorité est un aveu, en soi, de corruption. Morale, dans un premier temps. Pour ne pas aborder le volet financier…

 

=> Faillite des médias : désinformation et propagande

Ces médias prêts à envoyer des équipes de reportage au  bout du monde, dès qu’il s’agit de pratiquer « la dénonciation vertueuse » à l’encontre des Autres. Appliquant le principe : Ne jamais  balayer devant sa porte, évitant avec soin d’exercer leur “journalisme d’investigation” sur les injustices sociales et économiques de leur propre pays.

Ils ont mis plusieurs semaines avant de se saisir du problème. Mais au lieu d’informer, de rappeler le contexte historique, économique et social, ils ont sombré dans leurs pratiques habituelles de la propagande, leur seul souci : diaboliser les contestataires, les caricaturant en émeutiers irresponsables.

 

Il est vrai que l’exploitation d’une majorité par une minorité repose sur un équilibre fragile et explosif. Uniquement maîtrisable par la peur et la propagande. Y toucher, par une remise en cause, même la plus pacifique, est plus que dangereux. Suicidaire pour un politicien sans vision, ni conviction. Courage et honnêteté sont introuvables dans une caste politique corrompue.

 

Il faudra attendre plusieurs générations avant que les Antilles françaises ne forgent leur avenir en dehors d’une métropole prise en otage par une nomenklatura, à la mentalité coloniale. Leur communauté de destin n’est pas avec l’Europe, mais dans une union avec les autres îles des Caraïbes. Arrimées au continent latino-américain voisin, à la veille d’entamer une période de fabuleux développement économique et une renaissance historique.

 

Guadeloupe, Guyane, Martinique : microcosme de ce qui se vit, se trame, se subit, à plus grande échelle, en “métropole”, pour nous limiter au cas français. Car, dans tous les pays occidentaux, la configuration est exactement la même.

 

Une dizaine de clans familiaux, principautés financières phagocytant la République, pompant la quasi-totalité de la richesse nationale, avec leurs courtisans et seconds couteaux, monopolisant les secteurs majeurs de l’économie, publics et privés : distribution et crédit, travaux publics et construction, armements et médias. Demain : énergie, éducation et santé. Minorité immensément fortunée, à l’enrichissement incessant, exponentiel, vampirisant un marché captif…

 

Ce marché captif, cet enclos de moutons apeurés, hébétés, anesthésiés, se laissant tondre dans la soumission…

 

Jusqu’à quand ?...

 

Comme beaucoup, je pense à Frantz Fanon, le Martiniquais devenu militant, héros, de l’indépendance algérienne (11). A son analyse fulgurante de lucidité et d’anticipation, peu de temps avant de mourir de leucémie en 1961, dans son livre-testament politique Les Damnés de la Terre.

 

Synthétisant ce à quoi nous sommes confrontés, des crises financières mondiales aux révoltes sociales et mouvements d’indépendance (12) :

“Ce qui compte aujourd’hui, le problème qui barre l’horizon, c’est la nécessité d’une redistribution des richesses.

L’humanité, sous peine d’en être ébranlée, devra répondre à cette question.”

 

 

°°°°°°°°°°°

 

 

 

 

 

 

(1)  In Frantz Fanon, Pour la révolution africaine, écrits politiques (Maspero, 1964)

(2)  Rayond-Marin Lemesle, Le Commerce Colonial Triangulaire (18°-19° siècle), PUF, 1998, p. 111.

(3)  Elisée Reclus, Nouvelle Géographie Universelle, t. XVII : Indes occidentales, Paris, Hachette, 1891. In Raymond-Marin Lemesle, Op. Cit., p. 111.

(4)  http://planetantilles.com/index.php5?IdPage=1134061592

(5)  On l’occulte, mais la révolte conduite par Castro était une violente réaction du peuple cubain face à la dictature sanguinaire de Batista, protégée des américains. Cuba étant une néocolonie administrée par de richissimes familles, telles celle des Bacardi (sucre – rhum - immobilier, etc.), et la mafia des casinos américains de las Vegas et de Miami.

(6)  Voir le film de Laurent Cantet, "Vers le Sud", sorti en 2006, avec Charlotte Rampling et pour cadre Haïti. Adaptation d’une nouvelle de Dany Laferrière, qui est un des rares auteurs des Caraïbes à avoir abordé le tourisme sexuel des femmes européennes et nord-américaines.

(7)  Nelly Schmidt, La France a-t-elle aboli l’esclavage ? Guadeloupe – Martinique – Guyane – 1830-1935, Editions Perrin, 2009.

(8)  Entretien avec Baptiste Touverey, Antilles : La France en a-t-elle fini avec l’esclavage ?, Nouvel Observateur, 20 février 2009.

(9)  Cf. “Produits européens pour les colonies”, Raymond-Marin Lemesle, Op. Cit., p. 53.

(10)  http://www.megavideo.com/?v=1q1m01nvidéo

(11) Cf. Gharbi Fethi, “Frantz Fanon, chantre de la désaliénation”, 25 février 2009, http://www.legrandsoir.info/spip.php?article8113

(12) Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre, Editions La Découverte – Essais, 2002, première publication 1961, p. 96.

 

 

Photo Frédéric Gircour : Visage tuméfié d’un étudiant, Patrice, après avoir été tabassé lors de son arrestation, alors qu’il dormait. Il était “suspecté” de l’assassinat du syndicaliste Jacques Bino. Relâché deux jours plus tard. La police a reconnu s’être trompée…

 

 

 

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29 mai 2008 4 29 /05 /mai /2008 18:30

 

“La colonisation de la Nouvelle-Calédonie fut l’une des pires qu’il y eut au monde.”  (*)
Rosselène Dousset – Leenhardt - (Ethnologue)

 

 

 

 

Mai et Juin 1988. Vingt ans...

 
En Nouvelle-Calédonie, la Kanaky son nom réel.

 
Un archipel du bout du monde, peuplé de Mélanésiens, les Kanaks, lors de sa découverte par une expédition de l’explorateur britannique Cook, le 4 septembre 1774. Il sera annexé par la France, sous le vocable “colonie”, 79 ans plus tard : le 24 septembre 1853. Deux évènements marquaient l’histoire coloniale récente de notre pays.

 
Le 5 mai 1988, des troupes spéciales françaises (1) donnent l’assaut à une grotte, dans l’île d’Ouvéa (2), où s’étaient retranchés des indépendantistes Kanaks, avec leurs otages. Point culminant de troubles qui avaient mené le pays au bord d’une guerre civile entre des colons, avec leurs auxiliaires, et des résistants d’origine Kanak.

 
Les otages sont libérés. Mais les 19 indépendantistes sont tués, plusieurs “… après la prise de la grotte dans des circonstances déshonorantes pour l’armée française (3)”. Michel Rocard, dans une déclaration récente, parle de l’assassinat de deux indépendantistes blessés :

“… J’ai honte, aussi, quand deux militaires ont achevé à coups de crosse deux preneurs d’otage à Ouvéa.”

 
D’après des témoins, beaucoup plus : sommairement exécutés, ou achevés pour les blessés. Dont Alphonse Dianou, qu’on retrouvera le visage défoncé et les pansements arrachés.

 
Le 26 juin 1988, sont signés les accords de Matignon, mettant un terme provisoire aux déchirements que vit cette colonie. Un référendum d’autodétermination est prévu pour 2014.  Accord signé grâce à l’influence modératrice du leader indépendantiste, Jean-Marie Tjibaou (4).

 
 Méconnu en France, où la propagande coloniale ne laisse pas passer, dans ses médias, le discours et la présence d’une telle personnalité, il est considéré dans la région du Pacifique (5), comme une immense figure historique. Par son intelligence, sa sagesse, sa détermination, dans la grande lignée des Gandhi ou des Martin Luther King. De ceux qui ont su redonner la dignité à leur peuple et exiger le respect de leur identité, dans l’humanité à l’égard des autres.

 
Evidemment…

 
Un an plus tard Jean-Marie Tjibaou est assassiné, avec son adjoint à la direction du parti indépendantiste FLNKS, Yeiwéné. 

 

Il s’y attendait.

 

Plusieurs de ses lieutenants avaient été tués par des snipers de la gendarmerie, Eloi Machoro (6) et Marcel Nannoro, pour ne citer que les plus connus. Deux de ses frères avaient été assassinés, en 1984, avec huit autres Kanaks, dans une embuscade tendue par des colons. Brûlés vifs, encore blessés, dans leurs voitures, criblées de balles.

 
Le tristement célèbre, dans la région Pacifique, massacre d’Hienghène. Tous les assassins ont été acquittés pour “légitime défense”, à la suite d’un simulacre de procès, en 1987, analogue à ceux de l’Alabama, de l’Arkansas ou d’autres Etats racistes des USA, du temps de la ségrégation raciale. Tous les membres du Jury étaient des colons, les sinistres “caldoches”, qui ne dépareraient pas dans une assemblée du Ku-Klux-Klan. Il n’y a pas de juge ou d’avocat Kanaks, en Kanaky…

 
En dialecte local, Hienghène : … Pleurer en marchant

 
Son pressentiment s’est réalisé le 4 mai 1989. Une balle en pleine tête, tirée par un Kanak, à bout portant, lors d’une commémoration du massacre d’Ouvéa.

 

Comme souvent dans ce genre d’opérations, l’assassin est immédiatement abattu, sans sommation, par un policier présent. Pas d’enquête, pas de procès. Affaire classée...

 
Le référendum est ainsi repoussé en 2018, par les Accords de Nouméa du 4 mai 1998. Le temps, pour la puissance coloniale, de conserver son titre de troisième producteur mondial de nickel, dont elle pille l’île principale. Le temps, aussi, de s’assurer une majorité contre l’indépendance, par un basculement démographique. Schéma classique, que les USA ont pratiqué dans l’archipel d’Hawaii.

 
Kanaky : Morceau de paradis, tombé du Ciel, où la violence coloniale s’est imposée dans une rare sauvagerie…

 

Spoliation, violence et génocide culturel

 
En France, très peu d’informations, encore moins de recherches, de témoignages, de publications, sur ce pan de nos forfaits coloniaux en Kanaky. Il faut, souvent, recourir à des travaux d’universités australiennes ou néo-zélandaises pour avoir des documents, des analyses. Seul le folklore Kanak est, à présent, célébré par l’administration coloniale… Hors folklore : silence !

 
Kanaky, colonie de peuplement où la France a envoyé des bagnards, des exilés politiques suite à la répression de la Commune, puis de la main-d’œuvre "importée" d’Indonésie, du Vietnam les “chan dang”, des îles polynésiennes de Wallis, et, bien sûr, des “cadres” et autres métropolitains installés à prix d’or. L’essentiel étant de noyer les Kanaks dans un afflux de populations, étrangères à leur terre ancestrale. Pour les réduire à une “minorité”, exclue de l’avenir de son pays.

 
Dans la spoliation, analogue à celle des “Peaux-Rouges” d’Amérique du nord, ou des
Amérindiens d’Amérique “latine”… Avec une violence telle, que même l’Eglise et ses représentants les pères maristes, pourtant fervents de la colonisation, en étaient choqués :
“… chassés de leurs terres, de leurs villages, de leurs vallées, qu’ils ne cèderaient jamais à prix d’argent, il ne faut pas en douter. Tout en cédant à l’autorité et au mouvement qui les forcent à s’exécuter…” (7).

 
“… Dans le centre de l'île où de larges territoires ont changé de mains, les mélanésiens sont exsangues. Déportations et cantonnements ont dépeuplé le pays, rompu les réseaux, cassé les dynamiques sociales, brisé les groupes coupés de leur environnement familier.

Ponctuant une succession de révoltes menées un peu partout dans l’île entre 1856 et 1869 et toujours réprimées ou soldées par des dépossessions de terres, l’échec de la grande insurrection généralise, parmi les Kanaks, un découragement suicidaire.” (8)

 
Ces atrocités s’accompagnent de l’enrichissement d’une oligarchie locale, en cheville avec les responsables de l’administration et de l’armée :
“… une bourgeoisie d’affaires, même réduite à une poignée de collectionneurs de commerces, de professions libérales, de mines et de stations d’élevage, à travers un processus de captation et d’accumulation de biens auquel la spécificité pionnière confère une rapidité extrême ”. (9)

 

"Rapidité extrême" ?... En clair : “fabuleuse”. C’est ainsi qu’un colon, Gratien Brun, en 1880 :
“… possède plusieurs stations (fermes d’élevage, NdA) couvrant ensemble 24.000 hectares et contenant 20.000 têtes de bétail.” (10)

 
Kanaks, Taillables et corvéables à merci. Avec interdiction de pratiquer leurs langues, une vingtaine dans l’archipel, sous peine d’amendes, de brimades, de sévices…

 
Dans le mépris raciste absolu (11).

 

 

Négation de l’identité d’un peuple et des valeurs républicaines

 
Des européens courageux ont essayé de dénoncer, d’entraver, pareils comportements. Ils ont tous été la cible d’attaques et de menaces des milieux colonialistes.

 

Parmi les plus courageux, citons le missionnaire protestant Maurice Leenhardt (12), ainsi qu’un de ses élèves, Jean Guiart. Ils n’on cessé de critiquer l’administration, les milieux colons et l’idée même du colonialisme. Unanimement respectés par le peuple Kanak et dans le Pacifique. Luttant aux côtés des Kanaks, dont l’interdiction de se déplacer librement dans leur propre pays n’a été levée qu’en 1946 …

 
Deux témoignages :

 
Le premier, antérieur au soulèvement des années 1980, de Rock Pidjot, une des grandes figures de l’indépendance Kanak :
“… C’est un pays où les autochtones, qui représentent la moitié de la population, sont les seuls à ne pas être propriétaires des terres sur lesquelles ils vivent, mais où trois gros propriétaires fonciers possèdent le tiers des terres données en concession lors de la colonisation française (90.000 hectares sur 280.000)…

La Nouvelle-Calédonie attend toujours sa décolonisation.
Tous les autres pays du Pacifique sont devenus indépendants ou autonomes : Fidji, Samoa, Tonga, Nauru, Nouvelle Guinée.
Il n’y a plus que la France qui conserve, sous de nouvelles dénominations, de véritables colonies
…” (13)

 

Le second, de Marc Coulon :
“… Le 9 mai 1985… des commandos armés, menés par Henri Morini, chef du service d’ordre du RPCR (ancienne émanation de l’UMP local, NdA), ont attaqué un paisible meeting Kanak à Nouméa.
Cela n’a pas suffi.
Une chasse aux Kanaks s’est amplifiée démesurément, pendant des heures, dans plusieurs quartiers de la ville ; la droite déclenchait la guerre ethnique ou plutôt raciste. L’apartheid ne suffisait pas, il leur faut massacrer…

Les razzias des garde-mobiles (gendarmerie, NdA) dans les tribus (offensives à la grenade, attaques des femmes et des enfants, saccages des cases, destructions des matériels et mobiliers, passage à tabac…) ; les arrestations nombreuses et durables des militants politiques et leur séquestration dans des conditions sans rapport avec aucun discours sur les droits de l’homme, l’espionnage public et privé permanent des activités des leaders… ” (14)

 
La “gendarmerie”, considérée comme une armée d’occupation, une milice coloniale au service d’intérêts privés, et non pas d’un Etat démocratique. Honnie, méprisée, vomie, par le peuple Kanak…

 


Vingt ans après …

 
Certains hommes politiques français ont le courage d’avoir honte. Ils sont rares. Dans la même déclaration de Michel Rocard, qui a eu à s’occuper du “Dossier Néo-Calédonien” en tant que premier ministre, lors de la présidence Mitterrand, on peut relever cette volonté de contrition :
“… La France a fait des choses dont j’ai honte.
Quand l’armée chassait les tribus de la mer
(surnom des Mélanésiens, NdA) à coups de fusil pour faire place aux colons.
Le grand-père de Jean-Marie Tjibaou a couru comme ça, en portant un enfant de quatre ans. A côté de lui, un proche est tombé d’une balle dans le dos
…”

 
Mais, la honte ne change pas grand-chose…

 
Exemple, parmi d’autres : 16 janvier 2008. Une manifestation pacifique de militants syndicaux de l’USTKE (Union Syndicale des Travailleurs Kanaks et des Exploités), salariés de l’entreprise de transport en commun Carsud, en conflit avec leur direction (groupe Véolia), est réprimée, avec une violence féroce, par la gendarmerie mobile.


On dénombre 20 blessés, dont cinq grièvement. A cela, s’ajoute arrestations et emprisonnements préventifs, en attente d’un jugement par le tribunal correctionnel de Nouméa.

 
Le 21 avril 2008, ce tribunal a rendu son jugement :  23 de ces syndicalistes sont condamnés à des peines de prison ferme, allant de 1 mois à 1 an, associées à une privation des droits civiques pendant 3 ans pour les responsable syndicaux…

 
Kanaky : symbole de la terreur raciste et du fanatisme colonial…

 

 

 

 

 

 

 

 

(1)   Plenel, Edwy et Rollat, Alain, Mourir à Ouvéa – Le Tournant Calédonien, La Découverte, 1988.
(2)   Picard, Gilles, L’affaire d’Ouvéa, Editions du Rocher, 1988.
Exemple emblématique de l’ouvrage de désinformation et de propagande, destiné à discréditer l’aspiration à l’indépendance d’un peuple. La presse de l’époque reprenait, dans sa majorité, les mêmes clichés pour anesthésier l’opinion publique métropolitaine.
Avec, face à des “barbares”, “l’élite de l’élite de l’armée” représentant la défense de la civilisation : “… les muscles des maxillaires se sont contractés…” (p. 94).
(3)   Spencer, Michael & al., Nouvelle-Calédonie – Essai sur le Nationalisme et la Dépendance, Editions L’Harmattan, 1987. p. 299.
(4)   Rollat, Alain, Tjibaou le Kanak, Editions La Manufacture, 1989.
(5)   Cf. Michael Spencer (Op. Cit.). Le rôle et l’influence de Jean-Marie Tjibaou, en Kanaky et dans le Pacifique, systématiquement occultés par la propagande française (il n’est même pas cité dans l’article français de Wikipedia sur la Nouvelle-Calédonie !…), sont unanimement reconnus chez les chercheurs et responsables de la région Pacifique, notamment anglo-saxons, y compris en Australie et en Nouvelle-Zélande…
(6)    La stèle, commémorant ce crime d’Etat, porte comme mention : “ Eloi Machoro, combattant de la liberté, victime de l’ordre colonial d’Etat français, assassiné le 12 janvier 1985 ”.
(7)    Deckker, Paul & al., ouvrage collectif, Le Peuplement du Pacifique et de la Nouvelle-Calédonie au XIX° siècle – Condamnés, colons, convicts, chan dang, Actes du Colloque Universitaire International, publiés sous la direction de Paul de Deckker, Editions l’Harmattan, 1994, p. 318.
(8)    Soussol, Alain, Université de Montpellier, in Paul de Deckker, (Op. Cit.), p. 362.
(9)    In Paul de Deckker, (Op. Cit.), p. 363.
(10)  In Paul de Deckker, (Op. Cit.), p. 365.
(11)  Guiart, Jean, La Terre est le sang des Morts – La Confrontation entre Blancs et Noirs dans le pacifique sud français, Editions Anthropos, 1983.
(12)  Clifford, James, Maurice Leenhardt – Personne et Mythe en Nouvelle-Calédonie, Editions Jean-Michel Place, 1987.
(13)  Rollat Alain, Tjibaou le Kanak, (Op. Cit.), p. 149.
(14)  Coulon, Marc, L’Irruption Kanak – de Calédonie à Kanaky, Messidor Editions Sociales, 1985 p. 219.

 

 

 

NdA : Note de l’Auteur du post.
Photo de Jean-Marie Tjibaou
Drapeau de l’Indépendance Kanak
(*) In Le Dossier Calédonien, Jean-Paul Besset, Cahiers Libres, La Découverte, - 1988, p. 75.

 

 

 

 

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7 février 2007 3 07 /02 /février /2007 11:49

 


Il ne pouvait pas dire qu’il ne savait pas. Alors, il a dit non à ses supérieurs qui voulaient l’envoyer en Irak.

 

Pour lui, cette guerre n’est pas une guerre de défense d’une nation, mais une guerre fondée sur le mensonge et l’illégalité, car contraire au droit international. Le courage du lieutenant Ehren Watada, 28 ans, est impressionnant. Son contrat d’engagement n’est pas terminé, il revendique donc sa liberté de conscience alors qu’il porte l’uniforme.

Faisant référence à deux notions (1), c’est, pour lui, un acte citoyen mais, aussi, l’expression de la responsabilité d’un « leader » :

"… It would be a violation of my oath because this war to me is illegal in the sense that it was waged in deception, and it was also in violation of international law … Officers and leaders have that responsibility to speak out for the enlisted and certainly when we do so it comes with more consequences, which is what a leader should do. A leader can't just go with the crowd. (2)"



 

L’analyse de son acte, au-delà de son aspect émotionnel, met en relief un point d’histoire et une série de failles quant au délabrement du fonctionnement des « démocraties ».

Il est intéressant de rappeler qu’Ehren Watada est originaire d’Hawaii.

 

C’était un « royaume » indépendant, avec sa langue, sa religion, sa civilisation, sa culture, son système politique et économique.  Jusqu’à ce qu’il soit envahi par des aventuriers, avec leurs milices privées, qui se sont transformés en grands planteurs de cannes à sucre et d’ananas.

 

Provoquant, avec leurs hommes de main un coup d’Etat en 1893, renversant la reine Lili’Uokolani, et obtenant son rattachement au territoire américain en 1898. Le nombre et la technologie des armes, que ne possédait pas ce peuple, ont fait la différence. La résistance fut brisée, comme contre les « peaux rouges » nord américains, par des violences et des destructions innommables.

Le gouvernement de ce territoire fut nommé par le Congrès, le 30 avril 1900, sous forme d’un «
 Act to provide a Government for the Territory of Hawaii ».

 

Schéma habituel des proconsuls, en quelque sorte. Tout fut fait pour gommer cette civilisation polynésienne : langue, religion, coutumes… Le rouleau compresseur de la répression et de l’humiliation. Les Hawaiiens furent même écartés du travail, sur les grandes exploitations où furent amenés, chinois, philippins, japonais et techniciens européens.

 

Seul horizon : la misère, l’alcoolisme ou le suicide. Souvent les trois, à la fois. La législation du travail, mise en place la même année, était raciste et esclavagiste. Ce fut le règne des grandes exploitations fruitières de l’époque dont la sinistre Dole Fruit Company, similaire à la non moins sinistre United Fruit Company qui colonisait, alors, l’Amérique Centrale.

 

Finalement, la prédation étant achevée, Hawaii devint le 50° Etat américain le 21 août 1959 (3).

Pour l’inconscient collectif des descendants des polynésiens survivants d’Hawaii, le tragique destin de l’Irak éveille des résonances avec celui de leur nation…

Cet acte de courage, met en évidence, au moins, trois distorsions de nos systèmes politiques qui agissent en interaction :


i)      La liberté d’expression et de conscience est un droit refusé lorsqu’il va à l’encontre d’intérêts de groupes organisés. Même lorsqu’il s’agit de rappeler le droit international ou le respect de la vie ou de la dignité humaine.

ii)  Lorsque les forces armées passent sous le contrôle de groupes organisés, elles se transforment en milices privées au service d’intérêts qui ne sont pas ceux d’une nation, mais ceux d’intérêts économiques : compagnies pétrolières, marchands d’armes, groupes de travaux publics, etc.

 

Les marges bénéficiaires, les fortunes fondées sur la corruption, sont faciles, sans limites et incontrôlables, car aisément couverte par l’inusable « secret défense ».

 

De la « défense nationale », on passe ainsi à la mise à disposition des armées au profit d’intérêts privés ou au service de dictateurs ; comme en Afrique, ou en Amérique latine, à la solde des multinationales occidentales notamment minières.

iii)       La décision populaire de la guerre. De tout temps, ce fut une décision démocratique et collective dans les sociétés ayant fonctionné avec le suffrage direct des citoyens. Probablement, la plus importante.

 

Athènes est un exemple. Même pour les expéditions qui ne relevaient pas de la défense du territoire, les citoyens étaient appelés à voter pour se prononcer. Certaines se révélèrent désastreuses, comme celle contre la Sicile conduite par Alcibiade. Mais, ce fut, après des débats publics et un vote au suffrage direct des citoyens, une décision collective.

 

Une guerre, en démocratie, doit faire l’objet d’un vote de type référendaire.  Excepté, bien sûr, en cas d’attaque surprise.

 

Dans nos démocraties, on assiste à un véritable « trou noir » : aucun débat public sur le droit de faire la guerre,  sur le budget de la défense nationale, sur l’utilisation des forces armées. Personne ne pose la question et les politiciens évitent de l’évoquer. Ainsi, les grandes manifestations contre l’Irak, partout en Occident, n’ont rencontré que la plus grande surdité des dirigeants.

Référendum ?  Non, vous n’y pensez pas… Pour, détourner l’attention, tout en se donnant bonne conscience, si la pression devenait trop forte, l’oligarchie en place commissionnera ses médias pour lancer des campagnes de diffamation contre la Russie, la Chine, ou autres diables, qu’on sort de leurs boîtes au bon moment.

 

Peut-être organisera-t-on un référendum, il faut bien l’utiliser, sur la protection des baleines ou des "canards sauvages", comme aurait dit De Gaulle…

 

 


1.  The Guardian, 3 février 2007.

2.   " Ce serait une violation de mon serment, car cette guerre pour moi est illégale du fait qu'elle est fondée sur le mensonge et en violation du droit international... Officiers et leaders ont la responsabilité de parler au nom de ceux qui se sont engagés et il est certain que lorsque nous le faisons cela a d'importantes conséquences, ce qui est du ressort d'un responsable. Un leader ne peut pas se contenter de suivre le mouvement..."

3.  Le Congrès américain s’opposait à l’intégration de Hawaii, en tant qu’Etat américain, tant que la population polynésienne était majoritaire. Le basculement de population a donc pris deux générations, environ.

 

 

 

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